Action 4: hydrologie des petits bassins versants torrentiels

Action 4

Développer un cadre de modélisation hydrologique pour les petits bassins versants torrentiels

Cette action consiste à appliquer des outils de modélisation hydrologique à des petits bassins versants torrentiels. Les bassins ciblés sont des bassins versants torrentiels des Alpes du Nord pour des surfaces entre 10 km2 et 200 km2.

1. Application des modèles hydrologiques GRDv1 et MORDOR-SD sur des petits bassins versants des Alpes du Nord

Cette action s’appuiera fortement sur les expertises d’INRAE-RECOVER (Aix-en-Provence), notamment concernant le développement des méthodes AIGA et de la plate-forme RHYTMME, et d’EDF-DTG concernant la prédiction des crues en zone de montagne, liée à la sureté des barrages hydroélectriques. Une animation sera mise en place afin de développer ces applications en lien étroit avec ces partenaires du projet.

Le modèle GRDv1 (Demargne et al., 2019) est l’évolution du modèle hydrologique GRDv0 déployé dans le système national Vigicrues Flash. Contrairement à la version GRDv0, GRDv1 est un modèle continu au pas de temps 15 minutes (là ou GRDv0 est un modèle événementiel horaire) distribué par pixel de 1 km². Plusieurs actions sont prévues en 2020 afin d’améliorer et tester ce modèle sur les Alpes du Nord (tests de modèles neige, routage des débits pixel/pixel).

Le modèle hydrologique MORDOR-SD, développé à EDF-DTG (Garavaglia et al. 2017), bénéficie de l’expérience acquise pendant plus de 25 ans d’applications opérationnelles, y compris dans des échelles spatiales (50 km2) et temporelles (horaires) comparables aux besoins du projet HYDRODEMO. De plus, MORDOR-SD inclut des modules Neige et Glace qui devraient répondre à nos besoins sur les bassins versants des Alpes du Nord.

2. Forçages météorologiques

Concernant les précipitations, nous utiliserons :

  • Les réanalyses COMEPHORE, disponibles sur la période 1997-2017, à une résolution de 1 km2 et à un pas de temps horaire.
  • Les réanalyses SPAZM, disponibles à une résolution de 1 km2 au pas de temps journalier, désagrégées au pas de temps horaire à partir de la distribution des précipitations COMEPHORE. Cette désagrégation sera effectuée avec une méthode simple de répartition qui consiste à « ventiler » les intensités journalières selon les poids relatifs obtenus à partir de données disponibles à la résolution horaire (Wójcik et Buishand, 2013).

3. Calibration des modèles hydrologiques

Le modèle GRDv1 est un modèle continu, distribué à la maille du km². Développé au pas de temps horaire à partir de 2016 (Organde, 2016),  il comporte seulement 3 paramètres à calibrer :

  • Cpi : capacité du réservoir de production, pour le pixel i ;
  • Cti : capacité du réservoir de transfert, pour le pixel i ;
  • Cjbv : célérité de transfert du bassin jbv.

Ce modèle associe, en chaque pixel i, un réservoir de production de capacité Cpi et un réservoir de transfert de capacité Cti. Au sein de chaque pixel, la neutralisation de la pluie par l’évapotranspiration potentielle permet d’estimer une pluie nette (PNi) qui est repartie entre le réservoir de production et le réservoir de transfert. La proportion de pluie qui ruisselle (PRi) est proportionnelle au carré du niveau Si du réservoir de production de capacité Cpi. Le transfert non linéaire de cette pluie PRi, au sein du pixel, est ensuite assuré par le réservoir de transfert en fonction de son niveau de remplissage Ri et de sa capacité Cti.

Les débits obtenus ainsi en chaque pixel du bassin versant sont alors sommés en incluant un décalage temporel afin de prendre en compte le temps de routage de l’écoulement dans le réseau hydrographique pour reproduire au mieux les hydrogrammes observés. Le décalage temporel est défini en chaque pixel i de chaque bassin jbv. Noté lagi,jbv, ce décalage temporel est le rapport entre :

  • une longueur : la distance hydraulique entre le pixel et l'exutoire. La distance hydraulique est la somme i) de la distance euclidienne entre le centre du pixel et le plus proche exutoire de la base nationale de bassins versants vers lequel il s’écoule, et ii) de la longueur du parcours hydraulique entre cet exutoire intermédiaire et l’exutoire du bassin versant, en se basant sur la longueur hydraulique des tronçons de la base nationale de bassins versants
  • une vitesse : la célérité entre le pixel et l'exutoire, Cjbv, supposée uniforme sur le bassin versant.

Suite à des calages effectués au pas de temps horaire (Organde, 2016 ; Demargne, 2017), ce modèle GRDv1 a été calé au pas de temps infra-horaire de 15 minutes afin de pouvoir alimenter le dispositif Vigicrues Flash. Vigicrues Flash fonctionnant uniquement avec des lames d’eau temps réel, le modèle GRDv1 a été calé dans sa version dite « GRDlag0 » dans laquelle la célérité Cjbv est considérée comme infinie ce qui revient à sommer directement les débits de chacun des pixels du bassin pour obtenir le débit à l’exutoire.

Cette version permet de privilégier une montée rapide du débit à l’exutoire du bassin et potentiellement une meilleure anticipation des crues. Cette version GRDlag0 possède donc 2 paramètres : les capacités des réservoirs de production et de transfert. Un premier travail mené en 2018 (Demargne, 2018) a conduit au calage du seul paramètre de production Cpi, le paramètre de transfert Cti ayant été fixé à la valeur uniforme de 140 mm déduite de la valeur optimale uniforme de 100 mm définie au pas de temps horaire (Demargne 2017). Une étude de sensibilité au paramètre de production a été menée avec 10 grilles uniformes de paramètres Cpi variant de 30 à 1600 mm sur un échantillon de 1194 bassins versants de superficies comprises entre 5 et 1981 km² (la valeur médiane de la superficie étant de 150 km²). L’optimisation de ce paramètre par hydro-écorégion à l’aide de scores de contingence calculés sur les dépassements de seuils a conduit à une grille de Cpi prenant les valeurs 120, 190 ou 290 mm.

Un calage conjoint des deux paramètres Cp et Ct, est actuellement mené pour ce modèle GRDlag0 au pas de temps 15 minutes.

Le modèle hydrologique semi-distribué MORDOR-SD (Garavaglia et al. 2017) comporte quant à lui 19 paramètres libres. La calibration est effectuée en maximisant une fonction objective multicritères qui considère de façon d’égale importance la reproduction des séries de débits, la reproduction de la saisonnalité des débits, et le lien durée/intensité (cad la variance des débits et les extrêmes). La régionalisation de ce type de modèle reste à développer.

MORDOR-SD
MORDOR©EDF: Vue d’ensemble du modèle MORDOR-SD. Tiré de Garavaglia et al., 2017.

4. Comparaison des sorties neige

Une partie de cette action consistera à intégrer le module neige Cemaneige (Valéry et al., 2014) développé pour les modèles GR au modèle GRDv1 et à comparer ses performances au module neige de MORDOR pour les bassins fortement influencés par la neige et disposant de données de validation. Il est à noter que ces modules utilisent la précipitation totale (neige + pluie) et la température comme intrants. Une exploitation des produits fournis par le satellite MODIS (Hall et al., 2002), cad les séries temporelles de couverture neigeuse du produit MOD10, disponible depuis 2000 pourra être envisagée.

5. Objectifs sur bassins jaugés

L’objectif principal est la pré-détermination des crues torrentielles (ici pour l’aspect transport liquide uniquement), c’est-à-dire les caractéristiques (pics, durée, volume total liquide et solide) des crues torrentielles rares (périodes de retour 5, 10 et 20 ans) pour les bassins versants jaugés. Nous pourrons comparer les deux méthodes et faire une comparaison à SHYREG, sans considérer SHYREG comme la référence puisque cette méthode est aussi limitée sur les petits bassins versants de montagne. L’objectif de cette comparaison est surtout de pouvoir critiquer les résultats (sur quels bassins avons-nous le plus d’incertitudes, de différences entre les méthodes ? Pour quelles raisons ?).

Un second objectif, dans une perspective plus opérationnelle de gestion de crises et d’outil d’alertes, est de produire des alertes « crues », c'est-à-dire des dépassements d’un seuil critique, pour le modèle hydrologique GRD. Les performances de la modélisation GRD seront évaluées. Puis la structure du modèle sera modifiée (introduction d’un module neige…) et le modèle recalé localement.

Le rapport final dédié à cette action est disponible au lien suivant:

https://hal.inrae.fr/hal-03671653

Voir aussi

  • Champeaux, Jean-Louis, Pascale Dupuy, Olivier Laurantin, Isabelle Soulan, Pierre Tabary, and Jean-Michel Soubeyroux. 2009. “Les mesures de précipitations et l’estimation des lames d’eau à Météo-France : état de l’art et perspectives.” La Houille Blanche, no. 5 (October): 28–34. https://doi.org/10.1051/lhb/2009052.
  • Demargne J. et Javelle P., 2017. Amélioration de la modélisation hydrologique pour le service d’avertissement Vigicrues Flash. Programme MEDDE (DGPR / SRNH) - IRSTEA 2017, Rapport d’étude HYDRIS Hydrologie, 56 p.
  • Demargne Julie, Fouchier Catherine, 2018. Calage de la modélisation hydrologique au pas de temps infra-horaire pour le service d’avertissement Vigicrues Flash. Programme MEEM (DGPR/SRNH) – IRSTEA 2018, Rapport d’étude HYDRIS Hydrologie, 47 p.
  • Demargne, Julie, Javelle Pierre, Didier Organde, Léa Garandeau, and Bruno Janet. 2019. “Intégration des prévisions immédiates de pluie à haute-résolution pour une meilleure anticipation des crues soudaines.” La Houille Blanche, no. 3–4 (October): 13–21. https://doi.org/10.1051/lhb/2019023.
  • Garavaglia, Federico, Matthieu Le Lay, Fréderic Gottardi, Rémy Garçon, Joël Gailhard, Emmanuel Paquet, and Thibault Mathevet. 2017. “Impact of Model Structure on Flow Simulation and Hydrological Realism: From a Lumped to a Semi-Distributed Approach.” Hydrology and Earth System Sciences 21 (8): 3937–52. https://doi.org/10.5194/hess-21-3937-2017.
  • Hall, Dorothy K., George A. Riggs, Vincent V. Salomonson, Nicolo E. DiGirolamo, and Klaus J. Bayr. 2002. “MODIS Snow-Cover Products.” Remote Sensing of Environment 83 (1): 181–94. https://doi.org/10.1016/S0034-4257(02)00095-0.
  • Organde D., 2016. Améliorations de la modélisation hydrologique de la méthode AIGA Convention DGPR/SCHAPI – IRSTEA 2016, Rapport d’étude HYDRIS Hydrologie, 49 p.
  • Valéry, Audrey. 2010. “Modélisation Précipitations – Débit Sous Influence Nivale Elaboration d’un Module Neige et Évaluation Sur 380 Bassins Versants.” Paris: AgroParisTech).
  • Wójcik, R., and T. A. Buishand. 2003. “Simulation of 6-Hourly Rainfall and Temperature by Two Resampling Schemes.” Journal of Hydrology 273 (1): 69–80. https://doi.org/10.1016/S0022-1694(02)00355-4.

Date de modification : 26 avril 2023 | Date de création : 07 avril 2020 | Rédaction : Guillaume Evin